REVUE | JOKER GAME
On
Une seule résolution en 2017 : publier la chronique de l’anime Joker Game. Publier ce put@in d’article. Et. C’est. Tout.
Série vue au printemps 2016 ; article crée en octobre après une lutte acharnée contre la procrastination. 3000 mots, 2000 révisions et une traduction en anglais plus tard, il sort enfin (quand plus personne n’en a rien à foutre, dirons les plus cyniques…). Vous avez bien lu, 3000 mots, je me suis enflammée je sais pas pourquoi.
J’ai cependant saupoudré le tout de glutamate pour que ça passe mieux à la lecture donc… Lisez. (Voix solennelle et menaçante, à la Jafar)
* * *
Joker Game est une série dont j’ai entendue parler pour la première fois lors de la convention Anime Japan 2016.
Alors que je me retrouvais emportée par la foule qui nous traine, nous entraine, écrasés l’un contre l’autre, un écran au loin projetant le trailer d’un anime avait capté toute mon attention. Quelques secondes plus tard, je sortais mon carnet et mon crayon afin d’y noter “à voir absolument : Joker Game”.
Quelques mois plus tard, après avoir vu (et revu) les 12 épisodes de la série, voici mes « 2 cents », comme on dit outre-Atlantique. Ou plutôt mes 3000 cents parce que l’article est plutôt long. Merci de votre patience et bonne lecture.
Carte d’identité : JOKER GAME
Type : Seinen
Genre : Espionnage
Titre original : ジョーカー・ゲーム (Jōkā Gēmu)
Réalisateur : Kazuya Nomura
Studio : Production I.G
Dates de sortie : 5 avril 2016
Durée : 12 épisodes de 25 min ∼
Bande annonce (vo) :
Synopsis :
À l’aube de La Deuxième Guerre Mondiale, les renseignements sur la situation socio-économique des autres pays sont devenus une précieuse ressource. Pour bénéficier de cet atout, le Japon a en conséquence mis en place une nouvelle organisation d’espionnage, connue sous le nom de “Agence D”.
Sous le commandement du Lieutenant Colonel Yuuki, huit agents ont été assignés pour infiltrer et observer quelques uns des pays les plus puissants, rapportant ainsi les développements liés à la guerre. Afin de mener à bien ces tâches dangereuses, ces hommes ont entraîné leurs corps à survivre dans des conditions extrêmes et étudié de nombreux domaines tels que les communications et les langues.
Cependant, leur plus grande force réside dans leur capacité à manipuler les gens afin d’obtenir les informations nécessaires pour donner l’avantage à leur nation.
Mon avis :
Joker Game est une série que j’ai envie d’aimer inconditionnellement, de couvrir d’éloges et de recommander à la Terre entière. Mais en toute justice, je ne peux pas. Vous voyez, je me sens comme un professeur devant corriger la copie d’un élève qui, malgré sa bonne volonté, sa personnalité agréable ou encore ses efforts… n’a pas su répondre correctement aux questions.
Laissez-moi vous expliquer en détails.
– La note parfaite ? –
La plupart du temps, je pré-évalue un anime. En fonction de la hype, en fonction de mes goûts, en fonction de ce que je connais de l’anime (studio, genre, réalisateur, mais aussi plus concrètement les visuels, la bande annonce) je me fais une petite idée. Disons que j’attribue une note virtuelle qui, au fil des épisodes, va baisser, monter ou rester stable.
Joker Game, à l’instant où l’info a pénétré dans mon cerveau, c’est à dire au moment où j’entrapercevais le trailer, c’était un 20/20. Je le sentais bien. Quelques heures plus tard, je tombais sur un visuel à taille humaine, qui m’a fait faire “wow, la classe!”.

Y’a pas à dire, ça sent le 20/20
Lors de la diffusion du premier épisode, l’intrigue, l’atmosphère moite et la finesse technique mises en avant dès les premières secondes ont permis de maintenir ce parcours sans-faute. Enfin, j’ai probablement atteint le climax au moment du générique : ces instruments, ces notes, ce tempo, cette voix… j’étais RE-FAITE!
Cette spirale d’admiration a perduré pendant les deux premiers épisodes. Dans le premier, l’histoire se met en place, on découvre l’intrigue et le contexte, on découvre le concept du joker game. Les personnages, relativement nombreux, ont un côté thug life version luxe : costumes, poker, cigarettes, tautologie… Ils sont charismatiques voire charmeurs, avec un soupçon de danger. Le deuxième épisode, suite et fin du premier en terme de narration, reste du même calibre.
Cela aurait pu être un home run… Mais le 3ème épisode a mis un hola à cette progression.
– Quand les choses basculent –
L’épisode 3, en tant que tel, est indéniablement remarquable. L’épisode 3, en tant que pièce d’un ensemble, me laisse perplexe. Comme la vis mystère fournie avec les meubles IKEA. Ce sentiment s’amplifie, jusqu’au moment où tu captes que ce n’est pas le fonctionnement classique. On est dans un schéma épisodique, où chaque élément (épisode) est indépendant du reste.
“Okay, j’veux bien mais bon… je comprends pas trop-trop… Y’a une histoire ou pas?”
Non, pas d’histoire globale qui chapeaute le tout, pas de fil rouge. Mais tu espères. À chaque nouvel épisode, tu attends le “aaaaaah okaaaaaaay, [tout s’expliiique]” qui va soulager ton impatience. Tu espères que ça va finir par tomber sous le sens.
Dans ce lien (nouvel onglet), j’explique en quelques mots ou phrases mon ressenti détaillé par épisode. Ça spoile un peu mais on discerne mieux l’origine des griefs que j’ai à l’encontre de la série.
Concrètement, le premier épisode te fait comprendre qu’il existe une agence secrète, avec des mecs oufs dont l’identité est fake et on n’en sait pas plus sur eux à part qu’ils sont espions. Toi dans ta tête, tu te dis « okay, on va en apprendre davantage sur ces individus et sur les liens qu’ils ont entre eux et vis à vis de l’agence ».
QUE DALLE, mon ami!!! On te laisse dans ta galère et tes attentes. On te vend un contexte géopolitique, la guerre, il faut se défendre, il faut gagner la bataille, il faut avoir de l’avance sur l’ennemi. Du coup tu te dis ça va être à base de popopopooop… ahem… de trahisons, de twists, de coups foireux. Bon, c’est le cas mais pas autant que t’espères et surtout, pas de la manière dont tu espères.
Par conséquent, c’est la confusion. C’est extrêmement frustrant car cette série a tous les éléments pour déchirer mais l’une des choses les plus importantes est aux abonnés absents : la clarté. Tu regardes un épisode et tu te dis “c’est bien gentil tout ça mais je comprends rien”.
À présent, attardons-nous sur les éléments qui nourrissent cette imbroglio.
⚠︎ LES PERSONNAGES
• Nombreux personnages « principaux ». Nombreux personnages tout court. Difficile de déterminer qui est qui. Ils se ressemblent tous : l’approche se veut réaliste donc pas de cheveux multicolores ou autres signes distinctifs. Pour être franche, ce n’est pas une mauvaise chose : il s’agit d’espions après tout donc ils ne devraient pas ressortir. Mais ça n’aide pas le public. Le seul moyen de les distinguer sans problème, c’est quand ils sont côte à côte (comme les jeux de différences sur les paquets de céréales)… Et encore.
• Fausses identités à la base, auxquelles il faut ajouter leurs fausses identités pendant la mission. Le mec qui s’appelle Jean-Paul dans l’épisode d’intro, qui apparait 30 sec, et qu’on revoit 8 épisodes plus tard sous le nom de Michel, avec un chapeau, des lunettes, une perruque… Dur de suivre.
⚠︎ LE CONTEXTE
• Nombreuses forces en présence : armée, institutions, agence(s) d’espionnage(s), police, pays, diplomates…
• Par nature, tout ce qui est (géo)politique est un peu plus compliqué à assimiler. Pour ma part.
⚠︎ LA NARRATION
Dans ce lien (nouvel onglet), j’explique en quelques mots ou phrases mon ressenti détaillé par épisode. Ça spoile un peu mais on discerne mieux l’origine des griefs que j’ai à l’encontre de la série.
On aborde le point dur. La narration est à mon avis ce qui contribue le plus à générer une confusion. Autant il est facile de s’adapter aux deux points précédents, autant la narration nous drible et nous feinte en permanence.
• Pas de lien entre les épisodes. Pas de fil rouge. Pas de réelle intrigue, que ce soit globale ou au sein même d’un épisode.
• Pas de développement de personnage, bien que chaque épisode soit centré sur l’un d’entre eux.
Du coup, t’as 20 minutes pour parler d’un gars qui fait quelque chose. Le temps que tu captes qui c’est, l’année, le pays où il se trouve, le contexte géopolitique, la nature de la mission, t’es déjà à 5 minutes de la fin.
Parfois, tu ne vois l’espion que 2 minutes sur tout l’épisode.
• Pas de Joker Game, selon la façon dont ce concept est décrit dans les 2 premiers épisodes. Tu sens que c’est en bruit de fond, dans le contexte global, mais on ne voit pas vraiment d’application concrète au sein des épisodes. Ou alors j’ai rien compris. Seulement, plus les épisodes avancent, plus tu te dis « mouais. C’est juste une histoire d’espion, y’a pas de joker game à proprement parler ».
• Absence d’ordre chronologique. Soit la prod a un peu merdé (ce qui m’étonnerait), soit l’anime est tellement fin qu’il comporte plusieurs niveaux de compréhension. Dans la mesure où tu ne comprends déjà rien à la base, tu te fiches un peu de savoir que l’épisode 5 se déroule 4 ans avant l’épisode 3… Toutefois, sur le site de la série, une timeline est mise à disposition pour expliquer la chronologie des épisodes. Ça prouve que c’est voulu…
De ce fait, je me dis que tout est fait exprès, c’est juste qu’on a pas compris. Raison de plus pour regarder à nouveau les 12 épisodes ; d’affilé cette fois-ci, et non un par semaine.
– Le deuxième visionnage –
En temps normal, je me serais dit “je suis venue, j’ai vu, c’était de la merde. Au suivant”. Mais la série ne m’avait pas laissée cette impression de nullité extrême. C’était plutôt un sentiment d’inachevé, de fouillis ou alors de trop complexe pour mon petit cerveau basique et inhabitué.
Fort de tout ça, j’ai passé un peu de temps sur les forums, le site de l’anime, les sites d’information pour recueillir quelques points de vue et pêcher des informations : la chronologie des épisodes, le contexte…etc. J’ai insisté sur les personnages : leur nom, leur apparence notamment les traits distinctifs. (ex : Hatano et Jitsui avaient la même gueule pour moi… En y regardant de plus près, l’un a les yeux à la Droopy et ils n’ont pas la même coupe. Mais bon, un chapeau et une paire de lunettes suffisent à brouiller les pistes)
Puis je me suis rematée les 12 épisodes, d’un trait cette fois (càd en l’espace de 2-3 jours… pas 2-3 mois) : l’expérience était nettement plus confortable. Le fait de regarder d’affilé permet de mieux faire ressortir l’aspect “chaque agent est envoyé aux quatre coins du globe pour servir son pays par cette période de crise”; l’indépendance entre les épisodes est moins déstabilisante. C’est aussi l’occasion de comprendre des choses qui nous auraient échappées la première fois.
Néanmoins, l’anime aurait dû – de base – être construit de façon à ce qu’il n’y ait pas nécessité à passer des heures sur le net à en étudier ses composantes, et encore moins de RE-regarder l’intégralité des épisodes.
– Conclusion –
Joker Game est une série plaisante à regarder et reste sans conteste une belle découverte pour cette année 2016, en raison de :
– son originalité : le thème de l’espionnage – peu exploré – et la construction narrative. Ça casse les conventions et nous, le public, sommes pris au dépourvu.
– la façon dont le thème est traité : il y a de l’action et du suspense avec un réalisme fort, par opposition au traditionnel agent secret beau gosse, puissant, entourés des belles voitures, de belles femmes… Bref, ce n’est pas l’espion spectaculaire du style James Bond, Ethan Hunt, Jason Bourne…
– le côté classe des personnages : années 40, costume-cravate, finesse de style et d’esprit.
– la qualité technique : l’anime est très bien fait, très beau, que ce soit dans les graphismes, l’animation ou encore le son.
– le générique d’ouverture, tout simplement fabuleux. C’est à mon avis l’opening de l’année et probablement l’un de mes all-time-favorite.
En revanche, le manque de clarté et de cohésion viennent ternir le tableau. Il aurait été préférable d’insister dès le début sur le fonctionnement de la narration (un truc qui fait bien comprendre que “désormais, on va suivre chaque espion dans sa mission, ni plus ni moins”) ou alors d’adopter un format plus long. Cette option aurait permis de faire d’une pierre quinze coups : créer une intrigue de fond, poser les cadres de l’histoire, développer les personnages/nous habituer à eux.
Néanmoins, c’est un bon moyen de pousser le public à penser différemment (ou à penser, tout court).
Note globale, totalement subjective et non contractuelle : 7/10
J’ai pas envie de dire que c’était bof, j’ai bien aimé. J’ai même adoré. Je suis restée accrochée pendant les 3 mois de diffusion, avide d’en découvrir davantage. Cependant, un peu de déception sur la construction de l’anime ; encore un truc avec du potentiel, qui te vend du rêve (bande annonce, premiers épisodes, générique) mais qui s’avère être – et ça me fait mal de l’admettre – assez plat.
Le deuxième visionnage m’a quand même permis de finir sur une note positive. Car en effet, l’anime est suffisamment intéressant et addictif pour pousser les gens à regarder plusieurs fois et chercher à en savoir plus. C’est une série qu’on apprend à aimer sur le long en fait, comme le café sans sucre.
Recommanderais-je cette série? Au vu de ce que je dis juste au dessus, pas sûre. Pas avec toute ma volonté du moins. Le genre de recommandation que tu fais en chuchotant, avec le métro qui passe derrière…
Voilà tout,
Chrys Prolls
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